vendredi 11 juin 2010

La matière et l'esprit

Penser les rapports de la matière et l’esprit. Reviendra en fait à s’interroger sur les rapports du corps et de l’esprit et plus particulièrement du cerveau et de l’esprit. Ce qui permettra peut-être de trouver des réponses à des questions comme :
Quelle est la nature réelle des états et processus mentaux ?
Quel lien ont-ils avec le monde physique ?
Ma conscience survivra-t-elle à la disparition de mon corps physique ? Ou disparaîtra-t-elle à tout jamais lorsque mon cerveau cessera de fonctionner ?
Est-il possible qu’un système purement physique et matériel, comme un ordinateur, puisse être construit de telle sorte qu’il bénéficie d’une réelle intelligence consciente et de véritables états mentaux ?

Tout d’abord, essayer de définir les deux concepts en présence.

La matière : La matière est la substance qui compose tout corps ayant une réalité tangible. Ses trois états les plus communs sont l'état solide, l'état liquide, l'état gazeux. La matière occupe de l'espace et possède une masse. Ainsi, en physique, tout ce qui a une masse est de la matière.

La matière ordinaire qui nous entoure est formée de baryons et constitue la matière baryonique. Cette définition exclut les bosons fondamentaux, qui transportent les quatre forces fondamentales, bien qu'ils aient une masse et/ou une énergie.
La matière peut se retrouver dans plusieurs états ou phases. Les trois états les plus connus sont solide, liquide et gazeux. Il existe aussi d'autres états un peu plus exotiques, tel que plasma, cristal liquide, condensat de Bose-Einstein, superfluide et fluide supercritique. Lorsque la matière passe d'un état à l'autre, elle effectue une transition de phase. Attention : un changement d'état n'est pas une transformation chimique ! Ce phénomène est étudié en thermodynamique via les diagrammes de phase. La transition de phase se produit lorsque certaines caractéristiques de la matière changent : pression, température, volume, densité, énergie, etc.
L’esprit : se demander en quoi consiste l’esprit revient à savoir quels critères doit remplir un état pour être qualifié de “ mental “ par opposition à un état, un processus ou une propriété seulement “ physique “.

Pour simplifier, on s’en tiendra aux états mentaux humains et on laissera pour le moment de côté la question pourtant bien intéressante de savoir si et dans quelle mesure des animaux ou même des machines comme les ordinateurs peuvent avoir des états mentaux.

possibilité de distinguer plusieurs sortes d’états mentaux :
- les émotions comme le fait de ressentir de la douleur, de l’amour ou de la haine, etc
- les sensations et les perceptions comme voir une tomate rouge, entendre le bruit d’une voiture, goûter un bon vin etc
- les désirs et les volitions, au sens d’actes de volonté, comme désirer un nouveau portable, vouloir réussir un examen etc
- les croyances comme croire qu’il pleuvra demain, savoir que quatre et quatre font huit, penser que X est plus intelligent que Y etc
- ces trois dernières peuvent être classées sous le terme général de représentation. Les représentations, qui peuvent être de deux sortes, ou bien conceptuelles, comme quand on essaie de définir la notion de justice ou de vérité, ou bien imaginaires comme quand on rêve aux vacances passées. ( revenir sur la définition de la représentation à partir de Delacour et du grand dictionnaire de philosphie). possibilité de construire des systèmes de représentations comme les théories scientifiques, qui nous livrent une connaissance de la réalité.
Mais il serait aussi possible de distinguer des grandes facultés de l’esprit, comme l’intuition, l’imagination, la raison, la capacité de calculer, de raisonner, de juger.

Y a-t-il un trait caractéristique que tous ces états et phénomènes ont en commun et grâce aux quels ils sont des états mentaux ?

On peut être tenté d’invoquer la conscience.
Mais cela ne vaut que pour certains états mentaux : la psychanalyse nous apprend que nous pouvons avoir des représentations et même des désirs inconscients. On sait qu’il peut y avoir des perceptions inconscientes, et même certaines capacités mentales qui ne requièrent pas la présence de la conscience comme notre utilisation des règles de notre langue, qui nous permet de former des phrases correctes sans avoir besoin de nous représenter consciemment les règles de notre grammaire.

Cependant il y a bien des états mentaux qui requièrent la conscience. On ne peut avoir mal à la tête sans être conscient de souffir, être amoureux en ignorant qu’on l’est.
Autrement dit la conscience se caractériserait comme nous l’avons vu par des expériences vécues, éprouvées subjectivement et possédant un caractère phénoménal.
On utlise le terme de qualia pour désigner l’aspect phénoménal ou vécu de ces états mentaux. On veut dire par là qu’il s’agit d’états qui possèdent une certaine qualité sensorielle, comme l’effet que ça fait quand on voit des couleurs sur une toile ou que l’on sent un parfum que l’on aime.
Cependant, il y a des états mentaux qui ne se caractérisent pas par des qualia : par exemple les croyances et les actes de volonté. Penser que X est plus intelligent que Y ou savoir que deux et deux font quatre n’impliquent aucune expérience vécue particulière.
Les croyances et les volitions se définissent alors par un autre trait, que l’on a appelé l’intentionnalité dans le cours sur la conscience. L’expression remonte au philosophe allemand Brentano et désigne le fait qu’un état mental est dirigé vers quelque chose. Une croyance porte sur un objet spécifique à propos duquel on croit telle ou telle chose. ( Reprendre la déf de l’intentionnalité dans Dennett, la diversité des esprits )
Une croyance est également une attitude propositionnelle : une croyance, c’est le fait de croire que P, un désir, le fait de désirer que X etc. Peut-être alors n’avons-nous d’états intentionnels comme les croyances que parce que nous avons un langage.
D’autre part, ces attitude propositionnelle ont une signification et sont suceptibles d’être vraies ou fausses. Une croyance peut être illusoire ou vérifiée. Autrement dit, nos attitudes propositionnelles ont des caractéristiques sémantiques et logiques.
On peut donc dire que des désirs, ou des actes de volonté ou des croyances sont intentionnels au sens où ils se dirigent vers quelque chose, qui peut être réel ou simplement pensé ou alors imaginé.
Mais le critère de l’intentionnalité ne caractérise pas tous les états mentaux : une émotion ou une sensation ne paraissent pas viser quelque chose d’autre qu’eux-mêmes.

Donc, expérience vécue et intentionnalité comme critères du mental.
Tournons-nous maintenant vers les états physiques : peser 80 kilos, mesurer un mètre quatre vingt, avoir des milliards de neurons interconnectés dans le cerveau sont des exemples d’états physiques d’un être humain.
Quand on parle d’états physiques, cela ne veut pas dire les phénomènes étudiés par la physique par opposition à ceux qui sont étudiés par la chimie ou la biologie. Par états physiques, on entendra des états matériels susceptibles d’être étudiés par les sciences de la nature en général, possédant des caractéristiques comme une masse, une charge électrique, une vitesse etc et obéissant aux grandes lois découvertes par les sciences de la nature comme la gravitation universelle, l’équivalence masse-énergie etc …

Maintenant le problème de la distinction des états mentaux et des états physiques.
Il semble évident que les deux types d’états sont différents. L’expérience que nous avons de nous-mêmes comme êtres pensants et agissants nous pousse intuitivement à faire une distinction entre nos états mentaux et nos états physiques.

Cette distinction intuitive pourrait être formulée ainsi :
- il semble que les états mentaux sont subjectifs dans la mesure où ils sont privés alors que les états physiques sont objectifs au sens où ils sont publics.
mesurer quelqu’un avec un mètre aboutira à un résultat objectif, et personne n’est dans une situation privilégiée pour déterminer quelle est sa taille.
alors que par exemple la douleur d’untel n’est accessible qu’à lui-même, et lui seul sait directement s’il a mal et selon quelle intensité. La douleur paraît être vécue comme de l’intérieur. raison pour laquelle on considère les états mentaux comme des états internes, et qu’on considère que chacun a un accés direct à ses propres états mentaux, en quelque sorte intuitivement.
Par contre les états physiques comme par exemple la barre de métal qui se dilate en chauffant n’a d’états internes de chaleur ressentie ou vécue.
Ensuite, nous avons un accés direct à nos EM mais pas à nos EP : par exemple, même si on peut soupçonner qu’il y a un rapport entre l’état de notre cerveau et nos EM, par introspection, j’atteinds mes désirs et croyances et volitions, mais je ne sais rien de ce qui se passe dans mon cerveau. Je ne peux savoir ce qui s’y passe, que par un point de vue objectif, à la troisème personne.
D’autre part, l’intentionnalité différencie les états mentaux des états physiques. L’intentionnalité veut dire qu’un état mental est dirigé vers quelque chose, comme croire que X ou Y, qu’il a un contenu, un sens et peut être vrai ou faux.
D’autre part, il y a des relations rationnelles entre les états mentaux : par exemple, si je crois que X est vrai, alors je désirerai que Y.
Aucun état physique n’est caractérisé par de tels traits. Les phénomènes purement physiques sont reliés par des relations de causalité aveugles dépourvus de signification et de vérité comme de fausseté.

L’intentionnalité paraît d’autre part caractérisée par un autre trait : la liberté au sens de libre-arbitre. Dans une certaine mesure, la personne est libre de déterminer elle-même ses propres états mentaux : elle peut fixer ce qu’elle veut faire et ne pas faire. Cela vaut aussi pour certaines croyances : nous sommes libres de former nous-mêmes nos opinions politiques. Les états physiques semblent soumis au contraire au déterminisme : chaque état physique est l’effet d’un autre état physique. Peut-être y a-t-il des phénomènes probabilistes dans la nature, ou même du hasard ( Cournot : rencontre de deux séries causales idépendantes ) mais rien dans la nature ne se produit sans cause qui le détermine.
Pour résumer, les états mentaux sont subjectifs, nous y avons un accés privilégié, ils sont intentionnels, rationnels, caractérisés par la liberté, d’où il est tentant de tirer la conclusion que nos EM ne sont pas matériels.
Les états physiques sont objectifs, leur accés est public, ils ne sont pas conscients, pas de qualia, ils sont non rationnels et sont soumis au déterminisme.

Il faudra examiner la valeur de cette distinction. Est-elle réellement fondée ? Est-ce une distinction à valeur ontologique ? Cela veut-il dire qu’il y aurait des phénomènes qui par nature échapperaient à la connaissance que peuvent nous donner du monde les sciences de la nature ? Cela veut-il dire que ni la physique ni la biologie ni la chimie ne peuvent nous apporter une connaissance de ce qu’est l’esprit ? Ou au contraire peut-on construire comme le disent certains scientifiques, une biologie de la conscience ou atteindre le fonctionnement de nos états mentaux par des disciplines comme les neurosciences ?

Maintenant faire comprendre pourquoi il y a un problème des relations de la matière et de l’esprit ou du corps et de l’esprit, ou du cerveau et de l’esprit.

Bien qu’il semble que les états mentaux ne soient pas des états physiques, le domaine des EM n’est pas indépendant des EP. L’expérience que nous avons de nous-même montre qu’il y a entre les deux des relations de causalité :
il y a quatre types de relation causale :
1) des états physiques causent des états physiques : l’échauffement de la barre de métal qui en provoque la dilatation
2) des états physiques causent des états mentaux, par exemple notre environnement physique cause des perceptions, ainsi que des émotions.
3) des EM causent d’autres EM : la perception d’un bon restaurant cause le désir de faire un bon repas. En règle générale, les perceptions et les croyances causent des désirs et des volitions.
4) des EM causent des EP : par exemple, la volonté de lever le bras fait que le bras se lève.

Nous nous intéresserons plus particulièrement à 2) et 4) : des EM causent des EP et des EP causent des EM. Si l’on voit ça au niveau du rapport esprit/cerveau :
Certaines lésions de notre cerveau étudiées par la neurologie, sont liées à des troubles de nos états mentaux : la destruction de certains zones cérébrales peuvent provoquer aphasie, apraxie, acalculie, anosognosie, perte de la conscience de voir (vision aveugle), perte de la conscience de ce qui se passe dans la partie gauche ou droite de notre corps. Stimulation électrique de certaines zones produiront des sensations de couleurs ou de faim. Hémisection du cerveau entraînera une incapacité à coordonner les gestes des mains droite et gauche. Autrement dit des transformations de nos EP entraînent des transformations de nos EM. D’autre part, la neurobiologie et neuroanatomie étudient le problème des localisations cérébrales. Comment cela est-il possible ?
Pourquoi cela pose-t-il un reél problème ?
Parce que nous avons désormais des sciences de la nature qui reposent sur un principe fondamental : tous les processus, événements, états de choses réels ou existants peuvent ou pourront être décrits par les sciences physiques. Ou encore, tous les états physiques peuvent être expliqués par d’autres états physiques conformément à certaines lois physiques et tous les phénomènes de la nature c’est-à-dire physiques sont sous-tendus par les grandes forces découvertes par la physique ( retrouver à partir de l’univers élégant ) Puis, les trois principes qui ne peuvent être vrais en même temps.
Quand on pose le problème des rapports entre le corps et l’esprit, on est en face de trois thèses fondamentales :
1) les états mentaux ne sont pas des états physiques
2) il y a une causalité mentale, c’est-à-dire que des phénomènes mentaux comme par ex des volontés, causent des états physiques
3) et pourtant, seuls les propriétés et faits physiques sont suffisants causalement pour les mouvements physiques et les actions.
Or, ces trois propositions ne peuvent être vraies en même temps.
D’autre part, ce qui rend le problème des rapports du corps et de l’esprit si difficile, c’est le phénomène de la conscience : comment des états conscients, qui ont un caractère intrinsèquement qualitatif et subjectif, peuvent-ils être constitués d’états physiques ou émerger d’états physiques ?

Personne ne nie le fait de la conscience, presque personne ne nie qu’il y ait un rapport entre le mental et le physique, et surtout le cérébral : par exemple Bergson avance dans “ L’énergie spirituelle “ de 1919 :

“ Que nous dit l’expérience ? Elle nous montre que la vie de l’âme ou, si vous aimez mieux, la vie de la conscience, est liée à la vie du corps, qu’il y a solidarité entre elles … La conscience est incontestablement accrochée à un cerveau “

Mais le grand problème est de savoir quelle est la nature de ce lien. Et il y a diversité de réponses qui divisent aussi bien les philosophes que les savants qui s’occupent des phénomènes mentaux en neurosciences.

Nous allons examiner les grandes réponses à cette question et à ce problème.

Tout d’abord le dualisme. C’est la thèse selon laquelle la nature de l’esprit et des phénomènes mentaux réside dans quelque chose de non physique, quelque chose qui se trouve au-delà du domaine des sciences comme la physique, la chimie et la neurophysiologie. Autrement dit les phénomènes mentaux sont immatériels. Le dualisme peut prendre deux formes :
- un dualisme des substances
- un dualisme des propriétés.
Le dualisme des substances en philosophie moderne remonte à Descartes ( Discours de la méthode et Méditations métaphysiques )
Reconstituer son argumentation :
1) il est concevable, c’est-à-dire que ça n’implique pas contradiction, que tous les états physiques, y compris mon corps, n’existent pas. Par exemple, il est concevable que je rêve d’états physiques ou qu’un malin génie me trompe en faisant naître dans mon esprit l’illusion de l’existence d’états physiques extérieurs à mon esprit. On peut donc douter de l’existence d’un monde physique.
2) il est impossible que pour moi mes états mentaux n’existent pas. On ne peut pas douter qu’on pense, et chaque fois qu’on doute, on pense. Par conséquent, pour chaque être pensant la proposition “ je pense, j’existe “ est indubitable.
3) Il s’en suit qu’il est possible de concevoir de manière claire et distincte ses propres états mentaux sans concevoir l’existence de ses états physiques. Cad, chaque personne a une connaissance claire de ses états mentaux qui n’implique pas de référence à ses états physiques.
4) si on peut concevoir A sans B, on peut admettre que A puisse exister sans B. En d’autres termes, mes états mentaux peuvent être réellement séparés de mes états physiques.
5) il s’ensuit que les EM n’appartiennent pas à la substance physique ou corporelle. Les EM ne sont pas des propriétés du corps.
6) et comme tous les états sont la propriété d’une substance, les EM sont la propriété d’une substance mentale. Cad chaque être pensant est une substance mentale.

Quelle est la valeur d’un tel dualisme des substances ?
Il a un certain nombre d’arguments en sa faveur :
D’abord l’argument de l’introspection : quand on concentre sa pensée sur le contenu de ce qui se passe dans notre esprit, on ne rencontre pas des neurones avec des relations électriques et chimiques, mais des représentations, des émotions, des désirs, des sensations. Le contenu de l’esprit paraît très différent de ce que les sciences peuvent nous apprendre sur le fonctionnement de notre cerveau.
Ensuite, certains phénomènes mentaux paraissent totalement irréductibles à des phénomènes physiques ou plus exactement cérébraux : par exemple l’activité de notre esprit telle qu’elle se révèle dans le raisonnement mathématique. Ce dernier possède des caractéristiques logiques que l’on ne peut retrouver dans la matière cérébrale : une connexion entre deux neurones n’est ni logique ni illogique, elle est ou elle n’est pas tout simplement.
Enfin, l’argument des qualia, c’est-à-dire l’argument de l’irréductibilité de l’expérience vécue. Un scientifique qui aurait été enfermé dans une pièce où il n’y a que du gris et qui aurait passé sa vie à étudier les propriété de la lumière, des couleurs, des longueurs d’ondes qui les caractérisent, ne saurait rien de l’expérience du rouge que peut présenter par exemple une pomme. Autrement dit, tout ce qu’on sait sur la nature de la matière ne suffit pas à faire comprendre ce que peut être la sensation de couleur, que l’on peut trouver apaisante ou au contraire énervante.

Puis le dualisme des propriétés
Une autre forme de dualisme, le dualisme des propriétés. Cad ? C’est l’affirmation selon laquelle il n’y a pas besoin de postuler une substance immatérielle au-delà du cerveau, mais que le cerveau a cependant un ensemble de propriétés que ne possède aucun objet physique. Ce sont ces propriétés spécifiques qui sont non physiques, comme par exemple les qualia, ou le fait de vouloir ceci ou cela.

Ce que cela entraîne : un épiphénoménisme. Cela veut dire que les phénomènes mentaux sont simplement ce qui se surajoute au cerveau quand l’organisation de celui-ci dépasse un certain degré de complexité. Les PM sont ce qui accompagne simplement l’organisation complexe de la matière.

Conséquence : les épiphénomènes ne peuvent avoir d’effets réels. Autrement dit, c’est une illusion de croire par exemple que nos actions peuvent être déterminées par nos désirs ou nos volontés. Nos actions sont exclusivement déterminés par des phénomènes physiques qui se déroulent dans le cerveau et ces derniers s’accompagnent de PM. Ou on dira aussi que les PM sont des propriétés émergentes des systèmes nerveux. Cad que les PM sont réels quoiqu’immatériels mais si on veut expliquer scientifiquement le comportement humain, ce n’est pas à eux qu’il faut se référer mais aux phénomènes neuronaux qui ont leur place dans le cerveau.

On a objecté au dualisme plusieurs arguments. tout d’abord examiner ceux contre le dualisme des substances :

Le dualisme de Descartes et un dualisme interactionniste : il admet que des états physiques causent des états mentaux et inversement.Et ces influences causales paraissent établies par l’expérience courante : quand je veux lever mon bras, celui-ci se lève, et par la neurologie : des lésions au cerveau entraînent des troubles du comportement, du raisonnement, du langage, de la mémoire, de la capacité de calculer, de reconnaître les visages etc … Autrement dit, ce sont nos fonctions mentales et intellectuelles qui sont altérées par des lésions du cerveau.

Mais problème : si l’esprit est totalement différent de la matière, par exemple, en n’ayant aucune masse, aucun poids, et donc ne pouvant transmettre aucune énergie, aucune force, et s’il n’a aucune position quelque part dans l’espace, comment est-il possible que mon esprit puisse avoir une influence causale sur mon corps ? Et inversement ? Si on est dualiste, on affirme une intercation qui est incompatible avec ce que les sciences de la nature nous disent sur le fonctionnement du monde.

Autres arguments contre le dualisme des substances :

D’abord un argument contre la façon dont Descartes conduit son doute l’amenant à affirmer le dualisme des substances :
L’argument cartésien du doute contient un présupposé très discutable :
- pour qu’il y ait un sens à douter, il faut que les croyances mises en doute consevent un contenu conceptuel. Par exemple, on met en doute le fait que le bâton à moitié plongé dans l’eau est brisé. Il faut que la proposition “ le bâton est brisé “ ait un contenu conceptuel bien déterminé. Et si on doute que le bâton soit brisé, on ne doute pas que ceci soit un bâton. Cela veut dire que le contenu conceptuel de notre doute est hors de doute et que nos croyances ont des référents. Or si on se met à douter de tout, notre doute perd tout référent. Et Descartes présuppose que nos croyances peuvent avoir un contenu conceptuel hors de tout référent. C’est un point de vue sémantique très contestable. On l’appelle l’internalisme et il présuppose que le contenu de nos croyances ne dépend que de nos contenus internes et qu’il est indépendant de la constitution du monde. Or la moindre de nos croyances est liée à tout un ensemble d’autres croyances qui présupposent des réalités effectivement existentes dans le monde. D’autre part, nos croyances ne sont pas de simples états internes de notre pensée, mais dépendent d’une communauté sociale et des intercations avec d’autres personnes.
Ensuite, les critiques de Churchland à partir de la page 31 + 37

Autres critiques contre le dualisme des substances :

Tout d’abord l’idée selon laquelle une explication rationnelle du monde est d’autant meilleure qu’elle est plus simple. Or le matériaslisme est plus simple que le dualisme. Et pour le matérialiste, l’existence de la matière est indéniable alors que l’existence d’une substance spirituelle n’est qu’une hypothèse problématique.
D’autre part, la faiblesse explicative du dualisme : là où les sciences du cerveau peuvent nous apprendre beaucoup de choses sur les constituants et le fonctionnement de ce dernier et donc de l’esprit (par exemple, les soubassemnts neuronaux de la perception ou de l’émotion), le dualisme ne peut rien nous apprendre sur la nature des phénomènes mentaux, par exemple, comment se font les apprentissages, comment fonctionne la mémoire, qu’est-ce qui peut bien créer des amnésies et d’autres troubles mentaux etc ? Autrement dit, le dualisme a toujours été incapable de founir une véritable théorie de l’esprit et de ses propriétés.
Ensuite, ce n’est pas simplement la perception et la sensation qui sont sous la dépendance des états du cerveau, mais également les fonctions intellectuelles supérieures, comme la conscience, le raisonnement. Si ces derniers étaient immatériels, ils seraient invulnérables aux modifications des états du cerveau. Or c’est le contraire qui est vrai :
- des substances chimique speuvent nous anesthésier, cad nous faire perdre conscience
- des lésions cérébrales peuvent produire des troubles de la conscience comme la “ vision aveugle “ ou l’anosognosie, ou encore des incapacités à calculer, à utiliser correctement le langage etc.

Enfin, le dualisme postule que la matière ne peut pas penser. Problème à débattre mais on peut dire que la matière est capable de calculer ou même de raisonner en démontrant par exemple des théorèmes, ce que savent faire des ordinateurs. Or Descartes faisait de l’aptitude au raisonnement mathématique une des caractéristiques de l’esprit pour lui immatériel. Nos ordinateurs ont des puissances de calcul qui dépassent tout esprit humain et même la capacité de battre aux échecs des joueurs chevronnés. Autrement dit, certaines capacités intellectuelles sont accessibles à des machines simplement physiques, ce qui n’implique pas bien sûr, qu’un ordi puisse avoir des états conscients ou des émotions.

Enfin, dernier argument contre le dualisme des substances, venant cette fois de la théorie darwinienne de l’évolution : il y a d’abord eu des formes de vie sans états mentaux, les bactéries puis de la complexification de l’organisation des êtres vivants sont sortis des êtres possédant des états mentaux, et pas seulement l’homme, mais aussi des animaux.

Mais on peut être dualiste sans être intercationniste comme Descartes - laquelle interaction est inexplicable par le dualisme.
Par exemple, Spinoza ( 1632-1677) va défendre un parallèlisme psychophysique. Cad ?
Il postule qu’il y a une seule substance, qu’il appelle Dieu ou la Nature. Les EM et les EP sont des attributs de cette substance unique. Un attribut est une propriété générale. Distinction réelle des EM et des EP, cad un dualisme des propriétés.
Ensuite Spinoza postule que les relations causales existent seulement entre des phénomènes qui appartiennent au même attribut. Cad que des phénomènes physiques entraînent d’autres phénomènes physiques et que des EM entraînent d’autres EM. Chaque EM correspond à un EP et inversement sans que le premier soit la cause du second et inversement.
Ce parallèlisme ne s’appuie sur aucune preuve expérimentale, il est purement spéculatif. D’autre part, présente un inconvénient. Il implique un panpsychisme : si à chaque état mental correspond à un état physique, cela veut dire qu’à l’inverse à chaque état physique correspond à un état mental, ce qui voudrait dire que toute matière possèderait des états mentaux. mais quels peuvent être les EM d’une pierre ou d’un électron ?
Ensuite ce PPP impliquerait qu’on pourrait construire une psychologie, c’est-à-dire une science des EM sans faire référence à des EP. Or c’est impossible. Par exemple, c’est parce qu’on avale un médicament qui contient une certaine molécule chimique que notre état mental se modifie, par exemple que des angoisses disparaissent.

Une autre façon de poser le problème des rapports entre le mental et le physique est le behaviorisme philosophique. Thèses développées dans un ouvrage du philosophe anglais Ryle dans un ouvrage intitulé “ Le concept d’esprit “ de 1949.
L’idée de Ryle est qu’il ne fat pas considérer les termes mentaux ( volonté, désir, croyance etc) comme désignant des objets ou des choses mais comme de simples propriétés dispositionnelles du comportement.
Exemple pour comprendre : quand on dit d’un verre qu’il est fragile, on ne parle pas d’une mystérieuse propriété intérieure qu’il contiendrait, mais c’est simplement une propriété dispositionnelle que l’on peut formuler de la façon suivante : si le verre était heurté brutalement par un corps solide, alors il se briserait. Si on applique cela aux EM, par exemple une croyance.
Croire à quelque chose, par exemple, qu’il va pleuvoir, c’est simplement le fait de prendre son parapluie avant de sortir, d’aller à la chasse aux escargots, ou de rester chez soi de peur d’être mouillé. Autrement dit, pour le bahavioriste, les EM ne sont pas des réalités internes à notre esprit, mais une simple façon de parler de nos c comportements. Ce qui implique que le problème des rapports du corps et de l’esprit est un pseudo-problème.

Thèse problématique pour plusieurs raisons.
D’abord il est difficile de nier la réalité de nos états mentaux internes. par exemple, ressentir de la douleur, ce n’est pas simplement se mettre à chercher des médicaments, se tortiller sur sa chaise ou pousser des gémissements. La douleur a aussi une caractéristique interne vécue et subjective, révélée par une sensation immédiate et souvent incommunicable.
Ensuite, un behavioriste pense qu’un état mental est en fait simplement une disposition comportementale. Mais alors cela impliquerait qu’un état mental ne pourrait pas être la cause de nos comportements. Or il paraît évident que certains de nos comportements ont une cause mentale : si je prends un parapluie, c’est parce que je crois qu’il pleut.
Ensuite impossibilité pour le behavioriste d’éliminer les termes mentaux.

Maintenant une forme stricte de matérialisme : la thèse de l’identité. C’est-à-dire que pour cette position, les états mentaux ne sont que des états physiques du cerveau, ils peuvent être réduits à ces derniers. Continuer par Churchland et Engel et Esfeld.



- Mais les “idées” que l’on considère peut-être naïvement comme le produit de cette faculté d’intelligence, êtes-vous en mesure de les traiter comme des “objets mentaux”, de les ramener à leur base matérielle ?

- Théologiens et philosophes (pas tous) considèrent les fonctions supérieures du cerveau comme leur domaine réservé, et cela avec d’autant plus d’assurance que celles-ci ne sont pas encore tombées sous le bistouri de l’analyse scientifique. Elles le seront tôt ou tard et cela n’a rien d’inquiétant. Ce qui m’inquiète beaucoup plus, c’est l’effort considérable qu’il faudra faire à leur sujet pour sortir des discours littéraires.
Pour le neurobiologiste que je suis, il est naturel de considérer que toute activité mentale, quelle qu’elle soit, réflexion ou décision, émotion ou sentiment, conscience de soi... est déterminée par l’ensemble des influx nerveux circulant dans des ensembles définis de cellules nerveuses, en réponse ou non à des signaux extérieurs. J’irai même plus loin en disant qu’elle n’est que cela.
Comme l’écrivait Jacques Monod, un des traits les plus frappants de l’esprit humain est sa capacité de “simuler subjectivement l’expérience pour en anticiper les résultats et préparer l’action”. Cette faculté est directement liée à celle de “représentation”, par exemple, d’objets extérieurs. Diverses expériences récentes de psychophysique suggèrent la matérialité de ces images mentales. Notre hypothèse de travail est que celles-ci sont des objets bien concrets définis par la “carte “ dynamique des ensembles cellulaires engagés et des influx nerveux qui les parcourent.

Interview de Jean-Pierre Changeux, “Le Monde” 31/10/82.

1 commentaire:

  1. Bonjour, je suis un collègue professeur de philosophie et je découvre à l'instant votre site. Je trouve plusieurs similarités entre la manière dont vous présentez les notions et ce que je cherche à faire avec mes élèves (notamment les références à la philosophie analytique). Je serai ravi de pouvoir discuter avec vous de pédagogie.
    Cordialement,
    Cédric Eyssette
    http://eyssette.net

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